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    Zuletzt besucht am 2025-01-15 12:39:04

    Ipek50
    17 Jahre · Niveau 32
    Bonjour ou Bonsoir 
     
    Je me présente :                       /             Mon cromimi préférée c'est le lapin mais aussi les souris. J'ai commencer ce jeu depuis
     
                                                      /             2019 en jsp mais je vais continuer ça c'est sure parce ke si j'arrete miskina mes 
     
    PRENOM : IPEK                       /              souris ils vont mourrir donc voila au revoir mais stv etre mon ami tu vas dans tes 
                                                                               contacts et tu écris Ipek50 et après je suis dans la liste de m.a voila !!
    SURNOM : IPETE                     /
    DORIGINE : TURQUE               /       
    HABITE : ROUEN                     /
      
     
     
     
     
     
     
     
    ca c'est pour mon contrôle c pour tricher 
     
                                                                                   Les Mille et Une Nuits
     
     
     
    . Shariar, Schéhérazade -) mariés
    . La soeur de Schéhérazade et le vizir, père
    . Le frère de Schariar
     
     
    Le récit cadre est un récit dans lequel sont emboités un ou plusieurs autres récits ; ce sont des récits encadrés ou enchâssés.
     
    exemple : 
     
    récit-cadre : Schariar, Schéhérazade.
     
    récit encadrés : Aladin, Ali Baba, Sindbad Le marin, etc.
     
    Le sultan s'est fait tromper par sa femme. Il épouse une femme chaque jour et ordonne a son vizir de la faire exécuter au matin.
     
    C'est Schéhérazade ; sa soeur vient lui réclamer une histoire chaque nuit avant l'aube. Elle ne l'ai finit pas et recommence le lendemain.
     
    courage : danger; si elle échoue, elle meurt.
     
    mémoire : connaître des histoires et s'en souvenir.
     
    Elle gagne du temps ( 1001 nuits = 2 à 3 ans ) .     Le sultan change d'avis ! 
     
     
    Introduction
     
    Les contes des Mille et Une Nuits commencent avec l'histoire du sultan Schariar et de son frère qui lui rend compte de l'infidélité de son épouse.
    Pour se venger, Schariar décide alors d'épouser chaque jour une nouvelle femme puis d"ordonner à son vizir de la mettre à mort le lendemain.
    Or le vizir avait deux filles dont l'aînée s'appelaît Schéhérazade    :     elle était extrênement belle, d'un grand courage, lisait beaucoup et avait une grande mémoire.
    Celle-ci, un jour, va demander à son père de devenir l'épouse du sultan afin de faire cesser les massacres. Pour cela, elle mettra en place un stratagème : Schéhérazade demande chaque soir, de raconter une de ces histoires dont elle a le secret....
     
    Ali Baba et Les Quarante Voleurs
     
    Dans une ville de Perse, aux confins des États de
    Votre Majesté, dit Schéhérazade à Schahriar, il y avait
    deux frères, dont l’un se nommait Cassim et l’autre
    Ali Baba. Comme leur père ne leur avait laissé que
    peu de biens et qu’il les avait partagés également, il
    semble que leur fortune devait être égale : le hasard
    néanmoins en disposa autrement.
    Cassim épousa une femme qui, peu de temps
    après leur mariage, devint l’héritière d’une boutique
    bien garnie, d’un magasin rempli de bonnes
    marchandises, et de biens en fonds de terre, qui le
    mirent tout à coup à son aise, et le rendirent un des
    marchands les plus riches de la ville.
    Ali Baba, au contraire, qui avait épousé une
    femme aussi pauvre que lui, était logé fort
    pauvrement, et il n’avait d’autre industrie, pour
    gagner sa vie et de quoi s’entretenir, lui et ses enfants,
    que d’aller couper du bois dans une forêt voisine et
    de venir le vendre à la ville, chargé sur trois ânes qui
    faisaient toute sa possession.
    Ali Baba était, un jour, dans la forêt, et il achevait
    d’avoir coupé à peu près assez de bois pour faire la
    charge de ses ânes, lorsqu’il aperçut une grosse
    poussière qui s’élevait en l’air et qui avançait droit du
    côté où il était. Il regarda attentivement et il distingua
    une troupe nombreuse de gens à cheval qui venaient
    d’un bon train.
    Quoiqu’on ne parlât pas de voleurs dans le pays,
    Ali Baba néanmoins eut la pensée que ces cavaliers
    pouvaient en être. Sans considérer ce que
    deviendraient ses ânes, il songea à sauver sa
    personne. Il monta sur un gros arbre, dont les
    branches, à peu de hauteur, se séparaient en rond, si
    près les unes des autres qu’elles n’étaient séparées
    que par un très petit espace. Il se posta au milieu,
    avec d’autant plus d’assurance qu’il pouvait voir sans
    être vu ; et l’arbre s’élevait au pied d’un rocher isolé
    de tous les côtés, beaucoup plus haut que l’arbre, et
    escarpé de manière qu’on ne pouvait monter au haut
    par aucun endroit.
    Les cavaliers, grands, puissants, tous bien montés
    et bien armés, arrivèrent près du rocher, où ils mirent
    pied à terre ; et Ali Baba, qui en compta quarante, à
    leur mine et à leur équipement, ne douta pas qu’ils ne
    fussent des voleurs, qui, sans faire aucun tort aux
    environs, allaient exercer leurs brigandages bien loin
    et avaient là leur rendez-vous ; et ce qu’il les vit faire
    le confirma dans cette opinion.
    Chaque cavalier débrida son cheval, l’attacha, lui
    passa au cou un sac plein d’orge, qu’il avait apporté
    sur sa croupe, et ils se chargèrent chacun de sa valise
    ; et la plupart des valises parurent si pesantes à Ali
    Baba, qu’il jugea qu’elles étaient pleines d’or et
     
    d’argent monnayés.
    Le plus apparent, qu’Ali Baba prit pour le
    capitaine des voleurs, chargé de sa valise comme les
    autres, s’approcha du rocher, fort près du gros arbre
    où il s’était réfugié ; et, après qu’il se fut fait un
    chemin au travers des arbrisseaux, il prononça ces
    paroles si distinctement : « Sésame, ouvre- toi »,
    qu’Ali Baba les entendit. Dès que le capitaine des
    voleurs les eut prononcées, une porte s’ouvrit ; et,
    après qu’il eut fait passer tous ses gens devant lui et
    qu’ils furent tous entrés, il entra aussi, et la porte se
    referma.
    Les voleurs demeurèrent longtemps dans le
    rocher ; et Ali Baba, qui craignait que quelqu’un
    d’eux ou que tous ensemble ne sortissent s’il quittait
    son poste pour se sauver, fut contraint de rester sur
    l’arbre et d’attendre avec patience. II fut tenté
    néanmoins de descendre pour se saisir de deux
    chevaux, en monter un et mener l’autre par la bride,
    et de gagner la ville en chassant ses trois ânes devant
    lui ; mais l’incertitude de l’événement fit qu’il prit le
    parti le plus sûr.
    La porte se rouvrit enfin ; les quarante voleurs
    sortirent ; et, au lieu que le capitaine était entré le
    dernier, il sortit le premier ; et, après les avoir vus
    défiler devant lui, Ali Baba entendit qu’il fit refermer
    la porte, en prononçant ces paroles : « Sésame,
    referme-toi. » Chacun retourna à son cheval, le
    rebrida, rattacha sa valise et remonta dessus. Quand
    ce capitaine enfin vit qu’ils étaient tous prêts à partir,
    il se mit à la tête et il reprit avec eux le chemin par où
    ils étaient venus.
    Ali Baba ne descendit pas de l’arbre d’abord ; il
    dit en lui-même : « Ils peuvent avoir oublié quelque
    chose qui les oblige de revenir, et je me trouverais
    attrapé si cela arrivait. » Il les conduisit de l’œil
    jusqu’à ce qu’il les eût perdus de vue, et il ne
    descendit que longtemps après, pour plus grande
    sûreté. Comme il avait retenu les paroles par
    lesquelles le capitaine des voleurs avait fait ouvrir et
    refermer la porte, il eut la curiosité d’éprouver si,
    prononcées par lui, elles feraient le même effet. Il
    passa au travers des arbrisseaux et il aperçut la porte
    qu’ils cachaient. Il se présenta devant et dit :
    « Sésame, ouvre-toi » et dans l’instant la porte
    s’ouvrit toute grande.
    Ali Baba s’était attendu à voir un lieu de ténèbres
    et d’obscurité ; mais il fut surpris d’en voir un bien
    éclairé, vaste et spacieux, creusé de main d’homme,
    en voûte fort élevée, qui recevait la lumière du haut
    du rocher, par une ouverture pratiquée de même. Il
    vit de grandes provisions de bouche, des ballots de
     
    riches marchandises en piles, des étoffes de soie et de
    brocart, des tapis de grand prix, et surtout de l’or et
    de l’argent monnayés par tas et dans des sacs ou
    grandes bourses de cuir les unes sur les autres ; et, à
    voir toutes ces choses, il lui parut qu’il n’y avait non
    pas de longues années, mais des siècles que cette
    grotte servait de retraite à des voleurs qui avaient
    succédé les uns aux autres.
    Ali Baba ne balança pas sur le parti qu’il devait
    prendre : il entra, la porte se referma mais cela ne
    l’inquiéta pas : il savait le secret de la faire ouvrir. Il
    ne s’attacha pas à l’argent, mais à l’or monnayé et
    particulièrement à celui qui était dans les sacs. Il en
    enleva, à plusieurs fois, autant qu’il pouvait en porter
    et en quantité suffisante pour faire la charge de ses
    trois ânes. Il rassembla ses ânes qui étaient dispersés ;
    et, quand il les eut fait approcher du rocher, il les
    chargea des sacs ; et pour les cacher, il accommoda
    du bois par-dessus, de manière qu’on ne pouvait les
    apercevoir. Quand il eut achevé, il se présenta devant
    la porte ; et il n’eut pas prononcé ces paroles :
    « Sésame, referme-toi », qu’elle se referma ; car elle
    s’était fermée d’elle-même chaque fois qu’il y était
    entré, et était demeurée ouverte chaque fois qu’il en
    était sorti.
    Cela fait, Ali Baba reprit le chemin de la ville et,
    en arrivant chez lui, il fit entrer ses ânes dans sa
    petite cour et referma la porte avec grand soin. Il mit
    bas le peu de bois qui couvrait les sacs et il porta
    dans sa maison les sacs, qu’il posa et arrangea devant
    sa femme, qui était assise sur un sofa.
    Sa femme mania les sacs ; et comme elle se fut
    aperçue qu’ils étaient pleins d’argent, elle soupçonna
    son mari de les avoir volés, de sorte que, quand il eut
    achevé de les apporter tous, elle ne put s’empêcher
    de lui dire : « Ali Baba, seriez-vous assez malheureux
    pour... ? » Ali Baba l’interrompit. « Bah ! ma femme,
    dit-il, ne vous alarmez pas ; je ne suis pas un voleur, à
    moins que ce ne soit l’être que de prendre sur les
    voleurs. Vous cesserez d’avoir cette mauvaise
    opinion de moi quand je vous raconterai ma bonne
    fortune. »
    Il vida les sacs, qui firent un gros tas d’or dont sa
    femme fut éblouie ; et, quand il eut fait, il lui fit le
    récit de son aventure, depuis le commencement
    jusqu’à la fin ; et, en achevant il lui recommanda sur
    toutes choses de garder le secret.
    La femme, revenue et guérie de son épouvante,
    se réjouit avec son mari du bonheur qui lui était
    arrivé, et elle voulut compter, pièce par pièce, tout
    l’or qui était devant elle.
    « Ma femme, lui dit Ali Baba, vous n’êtes pas
    sage : que prétendez-vous faire ? Quand auriez- vous
    achevé de compter ? Je vais creuser une fosse et
     
    l’enfouir dedans ; nous n’avons pas de temps à
    perdre.
    — Il est bon, reprit la femme, que nous sachions
    au moins à peu près la quantité qu’il y a. Je vais
    chercher une petite mesure dans le voisinage, et je le
    mesurerai pendant que vous creuserez la fosse.
    — Ma femme, reprit Ali Baba, ce que vous voulez
    faire n’est bon à rien ; vous vous en abstiendrez si
    vous voulez me croire. Faites néanmoins ce qu’il
    vous plaira ; mais souvenez-vous de garder le
    secret. »
    Pour se satisfaire, la femme d’Ali Baba sort, et
    elle va chez Cassim, son beau-frère, qui ne demeurait
    pas loin. Cassim n’était pas chez lui et, à son défaut,
    elle s’adresse à sa femme, qu’elle prie de lui prêter
    une mesure pour quelques moments. La belle-sœur
    lui demanda si elle la voulait grande ou petite, et la
    femme d’Ali Baba lui demanda une petite.
    « Très volontiers, dit la belle-sœur ; attendez un
    moment je vais vous l’apporter. »
    La belle-sœur va chercher la mesure, elle la
    trouve : mais, comme elle connaissait la pauvreté
    d’Ali Baba, curieuse de savoir quelle sorte de grain sa
    femme voulait mesurer, elle s’avisa d’appliquer
    adroitement du suif au-dessous de la mesure, et elle
    en appliqua. Elle revint et, en la présentant à la
    femme d’Ali Baba, elle s’excusa de l’avoir fait
    attendre sur ce qu’elle avait eu de la peine à la
    trouver.
    La femme d’Ali Baba revint chez elle ; elle posa
    la mesure sur le tas d’or, l’emplit et la vida un peu
    plus loin sur le sofa, jusqu’à ce qu’elle eut achevé, et
    elle fut contente du bon nombre de mesures qu’elle
    en trouva, dont elle fit part à son mari, qui venait
    d’achever de creuser la fosse.
    Pendant qu’Ali Baba enfouit l’or, sa femme, pour
     
    marquer son exactitude et sa diligence à sa belle-
    sœur, lui rapporte sa mesure ; mais sans prendre
     
    garde qu’une pièce d’or était attachée au-dessous.
    « Belle-sœur, dit-elle en la rendant, vous voyez
    que je n’ai pas gardé longtemps votre mesure ; je
    vous en suis bien obligée, je vous la rends.»
    La femme d’Ali Baba n’eut pas tourné le dos, que
    la femme de Cassim regarda la mesure par le
    dessous ; et elle fut dans un étonnement
    inexprimable d’y voir une pièce d’or attachée. L’envie
    s’empara de son cœur dans le moment.
    « Quoi ! dit-elle, Ali Baba a de l’or par mesure ! et
    où le misérable a-t-il pris cet or ? »
    Cassim, son mari, n’était pas à la maison, comme
    nous l’avons dit ; il était à sa boutique, d’où il ne
    devait revenir que le soir. Tout le temps qu’il se fit
    attendre fut un siècle pour elle, dans la grande
    impatience où elle était de lui apprendre une nouvelle
    dont il ne devait pas être moins surpris qu’elle.
     
    Cycle 3
    Lecture Ali Baba et les quarante voleurs CONTE Feuille n°2
    À l’arrivée de Cassim chez lui : « Cassim, lui dit
    sa femme, vous croyez être riche ; vous vous
    trompez : Alih Baba l’est infiniment plus que vous, il
    ne compte pas son or, comme vous : il le mesure. »
    Cassim demanda l’explication de cette énigme, et
    elle lui en donna l’éclaircissement, en lui apprenant
    de quelle adresse elle s’était servie pour faire cette
    découverte ; et elle lui montra la pièce de monnaie
    qu’elle avait trouvée attachée au-dessous de la mesure
    : pièce si ancienne, que le nom du prince qui y était
    marqué lui était inconnu.
    Loin d’être sensible au bonheur qui pouvait être
    arrivé à son frère pour se tirer de la misère, Cassim
    en conçut une jalousie mortelle. Il en passa presque
    la nuit sans dormir. Le lendemain, il alla chez lui que
    le soleil n’était pas levé. Il ne le traita pas de frère ; il
    avait oublié ce nom depuis qu’il avait épousé la riche
    veuve.
    « Ali Baba, dit-il en l’abordant, vous êtes bien
    réservé dans vos affaires ; vous faites le pauvre,
    le misérable, le gueux ; et vous mesurez l’or !
    — Mon frère, reprit Ali Baba, je ne sais de quoi
    vous voulez me parler. Expliquez-vous. »
    — Ne faites pas l’ignorant », repartit Cassim. Et,
    en lui montrant la pièce d’or que sa femme lui avait
    mise entre les mains : « Combien avez-vous de
    pièces, ajouta-t-il, semblables à celle-ci, que ma
    femme a trouvée attachée au-dessous de la mesure
    que la vôtre vint lui emprunter hier ? »
    À ce discours, Ali Baba connut que Cassim et la
    femme de Cassim (par un entêtement de sa propre
    femme) savaient déjà ce qu’il avait un si grand intérêt
    de tenir caché ; mais la faute était faite : elle ne
    pouvait se réparer. Sans donner à son frère la
    moindre marque d’étonnement ni de chagrin, il lui
    avoua la chose et il lui raconta par quel hasard il avait
    découvert la retraite des voleurs et en quel endroit ;
    et il lui offrit, s’il voulait garder le secret, de lui faire
    part du trésor.
    « Je le prétends bien ainsi, reprit Cassim d’un air
    fier ; mais, ajouta-t-il, je veux savoir aussi où est
    précisément ce trésor, les enseignes, les marques, et
    comment je pourrais y entrer moi-même, s’il m’en
    prenait envie ; autrement je vais vous dénoncer à la
    justice. Si vous le refusez, non seulement vous
    n’aurez plus à en espérer ; vous perdrez même ce que
    vous avez enlevé, au lieu que j’en aurai ma part pour
    vous avoir dénoncé. »
    Ali Baba, plutôt par son bon naturel qu’intimidé
    par les menaces insolentes d’un frère barbare,
    l’instruisit pleinement de ce qu’il souhaitait et même
    des paroles dont il fallait qu’il se servît, tant pour
    entrer dans la grotte que pour en sortir.
     
    Cassim n’en demanda pas davantage à Ali Baba.
    Il le quitta, résolu de le prévenir ; et, plein
    d’espérance de s’emparer du trésor lui seul, il part, le
    lendemain, de grand matin, avant la pointe du jour,
    avec dix mulets chargés de grands coffres, qu’il se
    propose de remplir, en se réservant d’en mener un
    plus grand nombre dans un second voyage, à
    proportion des charges qu’il trouverait dans la grotte.
    Il prend le chemin qu’Ali Baba lui avait enseigné ; il
    arrive près du rocher et il reconnaît les enseignes et
    l’arbre sur lequel Ali Baba s’était caché. Il cherche la
    porte, il la trouve : et, pour la faire ouvrir, il
    prononce les paroles : «Sésame, ouvre toi. » La porte
    s’ouvre, il entre, et aussitôt elle se referme. En
    examinant la grotte, il est dans une grande admiration
    de voir beaucoup plus de richesses qu’il ne l’avait
    compris par le récit d’Ali Baba ; et son admiration
    augmente à mesure qu’il examine chaque chose en
    particulier. Avare et amateur des richesses comme il
    était, il eût passé la journée à se repaître les yeux de la
    vue de tant d’or, s’il n’eût songé qu’il était venu pour
    l’enlever et pour en charger ses dix mulets. Il en
    prend un nombre de sacs, autant qu’il en peut porter
    ; et, en venant à la porte pour la faire ouvrir, l’esprit
    rempli de toute autre idée que ce qui lui importait
    davantage, il se trouve qu’il oublie le mot nécessaire,
    et, au lieu de : Sésame, il dit : « Orge, ouvre-toi », et il
    est bien étonné de voir que la porte, loin de s’ouvrir,
    demeure fermée. Il nomme plusieurs autres noms de
    grains, autres que celui qu’il fallait, et la porte ne
    s’ouvre pas.
    Cassim ne s’attendait pas à cet événement. Dans
    le grand danger où il se voit, la frayeur se saisit de sa
    personne, et plus il fait d’efforts pour se souvenir du
    mot de Sésame, plus il embrouille sa mémoire ; et
    bientôt ce mot est pour lui absolument comme si
    jamais il n’en avait entendu parler. Il jette par terre les
    sacs dont il était chargé, il se promène à grands pas
    dans la grotte, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, et
    toutes les richesses dont il se voit environné ne le
    touchent plus. Laissons Cassim déplorant son sort ; il
    ne mérite pas de compassion.
    Les voleurs revinrent à leur grotte vers le midi ;
    et, quand ils furent à peu de distance et qu’ils eurent
    vu les mulets de Cassim autour du rocher, chargés de
    coffres, inquiets de cette nouveauté, ils avancèrent à
    toute bride et firent prendre la fuite aux dix mulets,
    que Cassim avait négligé d’attacher et qui paissaient
    librement ; de manière qu’ils se dispersèrent deçà et
    delà dans la forêt, si loin qu’ils les eurent bientôt
    perdus de vue.
    Les voleurs ne se donnèrent pas la peine de
    courir après les mulets il leur importait davantage de
     
    trouver celui à qui ils appartenaient. Pendant que
    quelques-uns tournent autour du rocher pour le
    chercher, le capitaine, avec les autres, met pied à terre
    et va droit à la porte, le sabre à la main, prononce les
    paroles, et la porte s’ouvre.
    Cassim, qui entendit le bruit des chevaux du
    milieu de la grotte, ne douta pas de l’arrivée des
    voleurs, non plus que de sa perte prochaine. Résolu
    au moins à faire un effort pour échapper de leurs
    mains et se sauver, il s’était tenu prêt à se jeter dehors
    dès que la porte s’ouvrirait. Il ne la vit pas plus tôt
    ouverte, après avoir entendu prononcer le mot de
    Sésame, qui était échappé de sa mémoire, qu’il
    s’élança en sortant si brusquement, qu’il renversa le
    capitaine par terre. Mais il n’échappa pas aux autres
    voleurs, qui avaient aussi le sabre à la main et qui lui
    ôtèrent la vie sur-le-champ.
    Le premier soin des voleurs, après cette
    exécution, fut d’entrer dans la grotte : ils trouvèrent
    près de la porte les sacs que Cassim avait commencé
    d’enlever pour les emporter et en charger ses mulets ;
    et ils les remirent à leur place, sans s’apercevoir de
    ceux qu’Ali Baba avait emportés auparavant. En
    tenant conseil et en délibérant ensemble sur cet
    événement, ils comprirent bien comment Cassim
    avait pu sortir de la grotte ; mais qu’il y eût pu entrer,
    c’est ce qu’ils ne pouvaient s’imaginer. Il leur vint en
    pensée qu’il pouvait être descendu par le haut de la
    grotte ; mais l’ouverture par où le jour y venait était si
     
    élevée, et le haut du rocher était si inaccessible par-
    dehors, outre que rien ne leur marquait qu’il l’eût fait,
     
    qu’ils tombèrent d’accord que cela était hors de leur
    connaissance. Qu’il fût entré par la porte, c’est ce
    qu’ils ne pouvaient se persuader, à moins qu’il n’eût
    eu le secret de la faire ouvrir ; mais ils tenaient pour
    certains qu’ils étaient les seuls qui l’avaient: en quoi
    ils se trompaient, en ignorant qu’ils avaient été épiés
    par Ali Baba, qui le savait.
    De quelque manière que la chose fût arrivée,
    comme il s’agissait que leurs richesses communes
    fussent en sûreté, ils convinrent de faire quatre
    quartiers du cadavre de Cassim et de le mettre près
    de la porte, en dedans de la grotte, deux d’un côté,
    deux de l’autre, pour épouvanter quiconque aurait la
    hardiesse de faire une pareille entreprise ; sauf à ne
    revenir dans la grotte que dans quelque temps, après
    que la puanteur du cadavre serait exhalée. Cette
    résolution prise, ils l’exécutèrent ; et, quand ils
    n’eurent plus rien qui les arrêtât, ils laissèrent le lieu
    de leur retraite bien fermé, remontèrent à cheval et
    allèrent battre la campagne sur les routes fréquentées
    par les caravanes, pour les attaquer et exercer leurs
    brigandages accoutumés.
    La femme de Cassim cependant fut dans une
    grande inquiétude quand elle vit qu’il était nuit close
    et que son mari n’était pas revenu. Elle alla chez Ali
     
    Baba, tout alarmée, et elle dit : « Beau frère, vous
    n’ignorez pas, comme je le crois, que Cassim, votre
    frère, est allé à la forêt, et pour quel sujet. Il n’est pas
    encore revenu, et voilà la nuit avancée ; je crains que
    quelque malheur ne lui soit arrivé. »
    Ali Baba s’était douté de ce voyage de son frère,
    après le discours qu’il lui avait tenu ; et c’est pour
    cela qu’il s’était abstenu d’aller à la forêt ce jour-là,
    afin de ne pas lui donner d’ombrage. Sans lui faire
    aucun reproche dont elle pût s’offenser, elle ou son
    mari, s’il eût été vivant, il lui dit qu’elle ne devait pas
    encore s’alarmer, et que Cassim apparemment avait
    jugé à propos de ne rentrer dans la ville que bien
    avant dans la nuit.
    La femme de Cassim le crut ainsi, d’autant plus
    facilement qu’elle considéra combien il était
    important que son mari fît la chose secrètement. Elle
    retourna chez elle, et elle attendit patiemment jusqu’à
    minuit. Mais, après cela, ses alarmes redoublèrent,
    avec une douleur d’autant plus sensible qu’elle ne
    pouvait la faire éclater ni la soulager par des cris dont
    elle vit bien que la cause devait être cachée au
    voisinage. Alors, si sa faute était irréparable, elle se
    repentit de la folle curiosité qu’elle avait eue, par une
    envie condamnable, de pénétrer dans les affaires de
    son beau-frère et de sa belle-sœur. Elle passa la nuit
    dans les pleurs ; et, dès la pointe du jour, elle courut
    chez eux et elle leur annonça le sujet qui l’amenait,
    plutôt par ses larmes que par ses paroles.
    Ali Baba n’attendit pas que sa belle-sœur le priât
    de se donner la peine d’aller voir ce que Cassim était
    devenu. Il partit sur-le-champ avec ses trois ânes,
    après lui avoir recommandé de modérer son
    affliction, et il alla à la forêt. En approchant du
    rocher, après n’avoir vu dans le chemin ni son frère,
    ni les dix mulets, il fut étonné du sang répandu qu’il
    aperçut près de la porte, et il en prit un mauvais
    augure. Il se présenta devant la porte, il prononça les
    paroles ; elle s’ouvrit, et il fut frappé du triste
    spectacle du corps de son frère, mit en quatre
    quartiers. Il n’hésita pas sur le parti qu’il devait
    prendre pour rendre les derniers devoirs à son frère,
    en oubliant le peu d’amitié fraternelle qu’il avait eu
    pour lui. Il trouva dans la grotte de quoi faire deux
    paquets des quatre quartiers, dont il fit la charge d’un
    de ses ânes, avec du bois pour les cacher. Il chargea
    les deux autres ânes de sacs pleins d’or et de bois
    par-dessus, comme la première fois, sans perdre de
    temps ; et, dès qu’il eut achevé et qu’il eut commandé
    à la porte de se refermer, il reprit le chemin de la ville
    ; mais il eut la précaution de s’arrêter à la sortie de la
    forêt, assez de temps pour n’y rentrer que de nuit. En
    arrivant, il ne fit entrer chez lui que les deux ânes
    chargés d’or ; et, après avoir laissé à sa femme le soin
    de les décharger et lui avoir fait part, en peu de mots,
    de ce qui était arrivé à Cassim, il conduisit l’autre âne
    chez sa belle-sœur.
     
    Cycle 3
    Lecture Ali Baba et les quarante voleurs CONTE Feuille n°3
     
    Ali Baba frappa à la porte, qui lui fut ouverte par
    Morgiane : cette Morgiane était une esclave adroite,
    entendue et féconde en inventions pour faire réussir
    les choses les plus difficiles ; et Ali Baba la
    connaissait pour telle. Quand il fut entré dans la
    cour, il déchargea l’âne du bois et des deux paquets ;
    et, prenant Morgiane à part : « Morgiane, dit-il, la
    première chose que je te demande, c’est un secret
    inviolable : tu vas voir combien il nous est nécessaire,
    autant à ta maîtresse qu’à moi. Voilà le corps de ton
    maître dans ces deux paquets ; il s’agit de le faire
    enterrer comme s’il était mort de sa mort naturelle.
    Fais-moi parler à ta maîtresse, et sois attentive à ce
    que je lui dirai. »
    Morgiane avertit sa maîtresse, et Ali Baba, qui la
    suivait, entra.
    « Eh bien, beau-frère, demanda la belle-sœur à
    Ali Baba avec une grande impatience, quelle nouvelle
    apportez-vous de mon mari ? Je n’aperçois rien sur
    votre visage qui doive me consoler.
    — Belle-sœur, répondit Ali Baba, je ne puis vous
    rien dire qu’auparavant vous ne me promettiez de
    m’écouter, depuis le commencement jusqu’à la fin,
    sans ouvrir la bouche. Il ne vous est pas moins
    important qu’à moi, dans ce qui est arrivé, de garder
    un grand secret, pour votre bien et pour votre repos.
    — Ah ! s’écria la belle-sœur sans élever la voix, ce
    préambule me fait connaître que mon mari n’est plus
    ; mais en même temps je connais la nécessité du
    secret que vous me demandez. Il faut bien que je me
    fasse violence : dites, je vous écoute. »
    Ali Baba raconta à sa belle-sœur tout le succès de
    son voyage, jusqu’à son arrivée avec le corps de
    Cassim.
    « Belle-soeur, ajouta-t-il, voilà un sujet d’affliction
    pour vous, d’autant plus grand que vous vous y
    attendiez moins. Quoique le mal soit sans remède, si
    quelque chose néanmoins est capable de vous
    consoler, je vous offre de joindre le peu de bien que
    Dieu m’a envoyé au vôtre, en vous épousant et en
    vous assurant que ma femme n’en sera pas jalouse et
    que vous vivrez bien ensemble. Si la proposition
    vous agrée, il faut songer à faire en sorte qu’il
    paraisse que mon frère est mort de mort naturelle ;
    c’est un soin dont il me semble que vous pouvez
    vous reposer sur Morgiane, et j’y contribuerai, de
    mon côté, de tout ce qui sera en mon pouvoir. »
    Quel meilleur parti pouvait prendre la veuve de
    Cassim que celui qu’Ali Baba lui proposait, elle qui,
    avec les biens qui lui demeuraient par la mort de son
    premier mari, en trouvait un autre plus riche qu’elle
    et qui, par la découverte du trésor qu’il avait faite,
     
    pouvait le devenir davantage ? Elle ne refusa pas le
    parti ; elle le regarda au contraire comme un motif
    raisonnable de consolation. En essuyant ses larmes,
    qu’elle avait commencé de verser en abondance, en
    supprimant les cris perçants ordinaires aux femmes
    qui ont perdu leurs maris, elle témoigna
    suffisamment à Ali Baba qu’elle acceptait son offre.
    Ali Baba laissa la veuve de Cassim dans cette
    disposition, et, après avoir recommandé à Morgiane
    de bien s’acquitter de son personnage, il retourna
    chez lui avec son âne.
    Morgiane ne s’oublia pas ; elle sortit en même
    temps qu’Ali Baba et alla chez un apothicaire qui
    était dans le voisinage : elle frappe à la boutique, on
    ouvre ; elle demande d’une sorte de tablette très
    salutaire dans les maladies les plus dangereuses.
    L’apothicaire lui en donna pour l’argent qu’elle avait
    présenté, en demandant qui était malade chez son
    maître.
    « Ah ! dit-elle avec un grand soupir, c’est Cassim
    lui-même, mon bon maître ! On n’entend rien à sa
    maladie ; il ne parle, ni ne veut manger. »
    Avec ses paroles, elle emporte les tablettes dont
    véritablement Cassim n’était plus en état de faire
    usage.
    Le lendemain, la même Morgiane vient chez le
    même apothicaire et demande, les larmes aux yeux,
    d’une essence dont on avait coutume de ne faire
    prendre aux malades qu’à la dernière extrémité ; et on
    n’espérait rien de leur vie, si cette essence ne les
    faisait revivre.
    « Hélas ! dit-elle avec une grande affliction en la
    recevant des mains de l’apothicaire, je crains fort que
    ce remède ne fasse pas plus d’effet que les tablettes !
    Ah ! que je perds un bon maître ! »
    D’un autre côté, comme on vit toute la journée
    Ali Baba et sa femme, d’un air triste, faire plusieurs
    allées et venues chez Cassim on ne fut pas étonné,
    sur le soir, d’entendre des cris lamentables de la
    femme de Cassim et surtout de Morgiane, qui
    annonçaient que Cassim était mort.
    Le jour suivant, de grand matin, lorsque le jour
    ne faisait que commencer à paraître, Morgiane, qui
    savait qu’il y avait sur la place un bon homme de
    savetier fort vieux, qui ouvrait tous les jours sa
    boutique le premier, longtemps avant les autres, sort
    et va le trouver. En l’abordant et en lui donnant le
    bonjour, elle lui mit une pièce d’or dans la main.
    Baba Moustafa, connu de tout le monde sous ce
    nom, Baba Moustafa, dis-je, qui était naturellement
    gai et qui avait toujours le mot pour rire, en regardant
     
    la pièce d’or, à cause qu’il n’était pas encore bien
    jour, et en voyant que c’était de l’or : « Bonne
    étrenne ! dit-il ; de quoi s’agit-il ? Me voilà prêt à bien
    faire.
    — Baba Moustafa, lui dit Morgiane, prenez ce qui
    vous est nécessaire pour coudre, et venez avec moi
    promptement ; mais à condition que je vous banderai
    les yeux quand nous serons dans un tel endroit. »
    À ces paroles, Baba Moustafa fit le difficile.
    « Oh ! Oh ! reprit-il, vous voulez donc me faire
    faire quelque chose contre ma conscience ou contre
    mon honneur ? »
    En lui mettant une autre pièce d’or dans la main :
    « Dieu garde, reprit Morgiane, que j’exige rien de
    vous que vous ne puissiez faire en tout honneur !
    Venez seulement, et ne craignez rien. »
    Baba Moustafa se laissa mener ; et Morgiane,
    après lui avoir bandé les yeux avec un mouchoir à
    l’endroit qu’elle avait marqué, le mena chez son
    défunt maître, et elle ne lui ôta le mouchoir que dans
    la chambre où elle avait mis le corps, chaque quartier
    à sa place. Quand elle le lui eut ôté : «Baba Moustafa,
    dit-elle, c’est pour vous faire coudre les pièces que
    voilà, que je vous ai amené. Ne perdez pas de temps ;
    et, quand vous aurez fait, je vous donnerai une autre
    pièce d’or. »
    Quand Baba Moustafa eut achevé, Morgiane lui
    rebanda les yeux dans la même chambre ; et, après lui
    avoir donné la troisième pièce d’or qu’elle lui avait
    promise et lui avoir recommandé le secret, elle le
    ramena jusqu’à l’endroit où elle lui avait bandé les
    yeux en l’amenant ; et là, après lui avoir encore ôté le
    mouchoir, elle le laissa retourner chez lui, en le
    conduisant de vue jusqu’à ce qu’elle ne le vit plus,
    afin de lui ôter la curiosité de revenir sur ses pas pour
    l’observer elle-même.
    Morgiane avait fait chauffer de l’eau pour laver le
    corps de Cassim : ainsi Ali Baba, qui arriva comme
    elle venait de rentrer, le lava, le parfuma d’encens et
    l’ensevelit avec les cérémonies accoutumées. Le
    menuisier apporta aussi la bière, qu’Ali Baba avait
    pris le soin de commander.
    Afin que le menuisier ne pût s’apercevoir de rien,
    Morgiane reçut la bière à la porte ; et, après l’avoir
    payé et renvoyé, elle aida Ali Baba à mettre le corps
    dedans ; et quand Ali Baba eut bien cloué les
    planches par-dessus, elle alla à la mosquée, avertir
    que tout était prêt pour l’enterrement. Les gens de la
    mosquée, destinés pour laver les corps morts,
    s’offrirent pour venir s’acquitter de leur fonction ;
    mais elle leur dit que la chose était faite.
    Morgiane, de retour, ne faisait que de rentrer,
    quand l’iman et d’autres ministres de la mosquée
    arrivèrent. Quatre voisins assemblés chargèrent la
    bière sur leurs épaules ; et, en suivant l’iman, qui
    récitait des prières, ils la portèrent au cimetière.
     
    Morgiane, en pleurs, comme esclave du défunt,
    suivit, la tête nue, en poussant des cris pitoyables, en
    se frappant la poitrine de grands coups et en
    s’arrachant les cheveux ; et Ali Baba marchait après,
    accompagné des voisins, qui se détachaient tour à
    tour, de temps en temps, pour relayer et soulager les
    autres voisins qui portaient la bière, jusqu’à ce qu’on
    arrivât au cimetière.
    Pour ce qui est de la femme de Cassim, elle resta
    dans sa maison, en se désolant et en poussant des cris
    lamentables avec les femmes du voisinage, qui, selon
    la coutume, y accoururent pendant la cérémonie de
    l’enterrement, et qui, en joignant leurs lamentations
    aux siennes, remplirent tout le quartier de tristesse
    bien loin aux environs.
    De la sorte, la mort funeste de Cassim fut cachée
    et dissimulée entre Ali Baba, sa femme, la veuve de
    Cassim et Morgiane, avec un ménagement si grand,
    que personne de la ville, loin d’en avoir connaissance,
    n’en eut le moindre soupçon.
    Trois ou quatre jours après l’enterrement de
    Cassim, Ali Baba transporta le peu de meubles qu’il
    avait, avec l’argent qu’il avait enlevé du trésor des
    voleurs, qu’il ne porta que la nuit, dans la maison de
    la veuve de son frère, pour s’y établir ; ce qui fit
    connaître son nouveau mariage avec sa belle-sœur. Et
    comme ces sortes de mariage ne sont pas
    extraordinaires dans notre religion, personne n’en fut
    surpris.
    Quant à la boutique de Cassim, Ali Baba avait un
    fils, qui depuis quelque temps avait achevé son
    apprentissage chez un autre gros marchand, qui avait
    toujours rendu témoignage de sa bonne conduite ; il
    la lui donna, avec promesse, s’il continuait de se
    gouverner sagement, qu’il ne serait pas longtemps à
    le marier avantageusement, selon son état.
    Laissons Ali Baba jouir des commencements de
    sa bonne fortune, et parlons des quarante voleurs. Ils
    revinrent à leur retraite de la forêt dans le temps dont
    ils étaient convenus ; mais ils furent dans un grand
    étonnement de ne pas trouver le corps de Cassim, et
    il augmenta quand ils se furent aperçus de la
    diminution de leurs sacs d’or.
    « Nous sommes découverts et perdus, dit le
    capitaine, si nous n’y prenons garde ; et si nous ne
    cherchons promptement à apporter le remède,
    insensiblement nous allons perdre tant de richesses,
    que nos ancêtres et nous avons amassées avec tant de
    peine et de fatigues. Tout ce que nous pouvons juger
    du dommage qu’on nous a fait, c’est que le voleur
    que nous avons surpris a eu le secret de faire ouvrir
    la porte et que nous sommes arrivés heureusement, à
    point nommé, dans le temps qu’il en allait sortir.
     
    Cycle 3
    Lecture Ali Baba et les quarante voleurs CONTE Feuille n°4
     
    Mais il n’était pas le seul, un autre doit l’avoir comme
    lui. Son corps emporté et notre trésor diminué en
    sont des marques incontestables ; et, comme il n’y a
    pas d’apparence que plus de deux personnes aient eu
    ce secret, après avoir fait périr l’un, il faut que nous
    fassions périr l’autre de même. Qu’en dites-vous,
    braves gens ? N’êtes-vous pas de même avis que
    moi ? »
    La proposition du capitaine des voleurs fut
    trouvée si raisonnable par sa compagnie, qu’ils
    l’approuvèrent tous et qu’ils tombèrent d’accord qu’il
    fallait abandonner toute autre entreprise, pour ne
    s’attacher uniquement qu’à celle-ci et ne s’en départir
    qu’ils n’y eussent réussi.
    « Je n’en attendais pas moins de votre courage et
    de votre bravoure, reprit le capitaine mais, avant
    toutes choses, il faut que quelqu’un de vous, hardi,
    adroit et entreprenant, aille à la ville, sans armes et en
    habit de voyageur et d’étranger, et qu’il emploie tout
    son savoir-faire pour découvrir si on n’y parle pas de
    la mort étrange de celui que nous avons massacré
    comme il le méritait, qui il était et en quelle maison il
    demeurait. C’est ce qu’il nous est important que nous
    sachions d’abord, pour ne rien faire dont nous ayons
     
    lieu de nous repentir, en nous découvrant nous-
    mêmes dans un pays où nous sommes inconnus
     
    depuis si longtemps et où nous avons un si grand
    intérêt de continuer de l’être. Mais, afin d’animer
    celui de vous qui s’offrira pour se charger de cette
    commission et l’empêcher de se tromper, en nous
    venant faire un rapport faux au lieu d’un véritable,
    qui serait capable de causer notre ruine, je vous
     
    demande si vous ne jugez pas à propos qu’en ce cas-
    là il se soumette à la peine de mort. »
     
    Sans attendre que les autres donnassent leurs
    suffrages : « Je m’y soumets, dit l’un des voleurs, et je
    fais gloire d’exposer ma vie en me chargeant de la
    commission. Si je n’y réussis pas, vous vous
    souviendrez au moins que je n’aurai manqué ni de
    bonne volonté ni de courage pour le bien commun
    de la troupe. »
    Ce voleur, après avoir reçu de grandes louanges
    du capitaine et de ses camarades, se déguisa de
    manière que personne ne pouvait le prendre pour ce
    qu’il était. En se séparant de la troupe, il partit la nuit,
    et il prit si bien ses mesures qu’il entra dans la ville
    dans le temps que le jour ne faisait que commencer à
    paraître. Il avança jusqu’à la place, où il ne vit qu’une
    seule boutique ouverte, et c’était celle de Baba
    Moustafa.
     
    Baba Moustafa était assis sur son siège, l’alêne à
    la main, prêt à travailler de son métier. Le voleur alla
    l’aborder en lui souhaitant le bonjour ; et, comme il
     
    se fut aperçu de son grand âge : « Bonhomme, lui dit-
    il, vous commencez à travailler de grand matin ; il
     
    n’est pas possible que vous y voyiez encore clair, âgé
    comme vous l’êtes ; et, quand il ferait plus clair, je
    doute que vous ayez d’assez bons yeux pour coudre.
    — Qui que vous soyez, reprit Baba Moustafa, il
    faut que vous ne me connaissiez pas. Si vieux que
    vous me voyiez, je ne laisse pas d’avoir les yeux
    excellents ; et vous n’en douterez pas quand vous
    saurez qu’il n’y a pas longtemps que j’ai cousu un
    mort dans un lieu où il ne faisait guère plus clair qu’il
    ne fait présentement. »
    Le voleur eut une grande joie de s’être adressé,
    en arrivant, à un homme qui d’abord, comme il n’en
    douta pas, lui donnait de lui-même la nouvelle de ce
    qui l’avait amené, sans qu’il la lui demandât.
    « Un mort ! » reprit-il avec étonnement. Et pour
     
    le faire parler : « Pourquoi coudre un mort ? ajouta-t-
    il. Vous voulez dire apparemment que vous avez
     
    cousu le linceul dans lequel il a été enseveli.
    — Non, non, reprit Baba Moustafa : je sais ce que
    je veux dire. Vous voudriez me faire parler, mais
    vous n’en saurez pas davantage. »
    Le voleur n’avait pas besoin d’un éclaircissement
    plus ample pour être persuadé qu’il avait découvert
    ce qu’il était venu chercher. Il tira une pièce d’or ; et,
    en la mettant dans la main de Baba Moustafa, il lui
    dit :
    « Je n’ai garde de vouloir entrer dans votre secret,
    quoique je puisse vous assurer que je ne le
    divulguerais pas si vous me l’aviez confié. La seule
    chose dont je vous prie, c’est de me faire la grâce de
    m’enseigner ou de venir me montrer la maison où
    vous avez cousu ce mort.
    — Quand j’aurais la volonté de vous accorder ce
    que vous me demandez, reprit Baba Moustafa, en
    tenant la pièce d’or, prêt à la rendre, je vous assure
    que je ne pourrais pas le faire ; vous devez m’en
    croire sur ma parole. En voici la raison : c’est qu’on
    m’a mené jusqu’à un certain endroit où l’on m’a
    bandé les yeux, et, de là, je me suis laissé conduire
    jusque dans la maison, d’où, après avoir fait ce que je
    devais faire, on me ramena de la même manière
    jusqu’au même endroit. Vous voyez l’impossibilité
    qu’il y a que je puisse vous rendre service.
    — Au moins, repartit le voleur, vous devez vous
    souvenir à peu près du chemin qu’on vous a fait faire
    les yeux bandés. Venez, je vous prie, avec moi ; je
    vous banderai les yeux en cet endroit-là, et nous
    marcherons ensemble par le même chemin et par les
     
    mêmes détours que vous pourrez vous remettre dans
    la mémoire ; et, comme toute peine mérite
     
    récompense, voici une autre pièce d’or. Venez, faites-
    moi le plaisir que je vous demande. »
     
    Et en disant ces paroles il lui mit une autre pièce
    dans la main. Les deux pièces d’or tentèrent Baba
    Moustafa ; il les regarda quelque temps dans sa main
    sans dire mot, en se consultant pour savoir ce qu’il
    devait faire. Il tira enfin sa bourse de son sein, et, en
    les mettant dedans : « Je ne puis vous assurer, dit-il
    au voleur, que je me souvienne précisément du
    chemin qu’on me fit faire ; mais, puisque vous le
    voulez ainsi, allons ; je ferai ce que je pourrai pour
    me souvenir. »
    Baba Moustafa se leva, à la grande satisfaction du
    voleur, et, sans fermer sa boutique, où il n’y avait rien
    de conséquent à prendre, il mena le voleur avec lui
    jusqu’à l’endroit où Morgiane lui avait bandé les
    yeux. Quand ils furent arrivés : « C’est ici, dit Baba
    Moustafa, qu’on m’a bandé ; et j’étais tourné comme
    vous me voyez. » Le voleur, qui avait son mouchoir
    prêt, lui banda les yeux, et il marcha à côté de lui, en
    partie en le conduisant, en partie en se laissant
    conduire par lui, jusqu’à ce qu’il s’arrêtât.
    « Il me semble, dit Baba Moustafa, que je n’ai
    point passé plus loin. » Et il se trouva véritablement
    devant la maison de Cassim, où Ali Baba demeurait
    alors. Avant de lui ôter le mouchoir de devant les
    yeux, le voleur fit promptement une marque à la
    porte avec de la craie, qu’il tenait prête ; et, quand il
    le lui eut ôté, il lui demanda s’il savait à qui
    appartenait la maison. Baba Moustafa lui répondit
    qu’il n’était pas du quartier, et ainsi qu’il ne pouvait
    lui en rien dire.
    Comme le voleur vit qu’il ne pouvait apprendre
    rien davantage de Baba Moustafa, il le remercia de la
    peine qu’il lui avait fait prendre ; et, après qu’il l’eut
    quitté et laissé retourner à la boutique, il reprit le
    chemin de la forêt, persuadé qu’il serait bien reçu.
    Peu de temps après que le voleur et Baba
    Moustafa se furent séparés, Morgiane sortit de la
    maison d’Ali Baba pour quelque affaire ; et, en
    revenant, elle remarqua la marque que le voleur y
    avait faite ; elle s’arrêta pour faire attention. « Que
    signifie cette marque ? dit-elle en elle-même ;
     
    quelqu’un voudrait-il du mal à mon maître, ou l’a-t-
    on fait pour se divertir ? À quelque intention qu’on
     
    l’ait pu faire, ajouta-t-elle, il est bon de se
    précautionner contre tout événement. » Elle prend
    aussitôt la craie ; et, comme les deux ou trois portes
    au-dessus et au- dessous étaient semblables, elle les
    marqua au même endroit, et elle rentra dans la
    maison, sans parler de ce qu’elle venait de faire, ni à
    son maître, ni à sa maîtresse.
    Le voleur cependant, qui continuait son chemin,
    arriva à la forêt et rejoignit sa troupe de bonne heure.
     
    En arrivant, il fit rapport du succès de son voyage, en
    exagérant le bonheur qu’il avait eu d’avoir trouvé
    d’abord un homme par lequel il avait appris le fait
    dont il était venu s’informer, ce que personne que lui
    n’eût pu lui apprendre. Il fut écouté avec une grande
    satisfaction ; et le capitaine, en prenant la parole
    après l’avoir loué de sa diligence : « Camarades, dit-il
    en s’adressant à tous, nous n’avons pas de temps à
    perdre ; partons bien armés, sans qu’il paraisse que
    nous le soyons ; et, quand nous serons entrés dans la
    ville séparément, les uns après les autres, pour ne pas
    donner de soupçons, que le rendez-vous soit dans la
    grand-place, les uns d’un côté, les autres de l’autre,
    pendant que j’irai reconnaître la maison avec notre
    camarade qui vient de nous apporter une si bonne
    nouvelle, afin que là-dessus je juge du parti qui nous
    conviendra le mieux. »
    Le discours du capitaine des voleurs fut applaudi,
    et ils furent bientôt en état de partir. Ils défilèrent
    deux à deux, trois à trois ; et en marchant à une
    distance raisonnable les uns des autres, ils entrèrent
    dans la ville sans donner aucun soupçon. Le capitaine
    et celui qui était venu le matin y entrèrent les
    derniers. Celui-ci mena le capitaine dans la rue où il
    avait marqué la maison d’Ali Baba ; et, quand il fut
    devant une des portes qui avaient été marquées par
    Morgiane, il la lui fit remarquer, en lui disant que
    c’était celle-là. Mais, en continuant leur chemin sans
    s’arrêter, afin de ne pas se rendre suspects, comme le
    capitaine eut observé que la porte qui suivait était
    marquée de la même marque et au même endroit, il
    le fit remarquer à son conducteur et il lui demanda si
    c’était celle-ci ou la première. Le conducteur demeura
    confus et il ne sut que répondre, encore moins quand
    il eut vu avec le capitaine que les quatre ou cinq
    portes qui suivaient avaient aussi la même marque. Il
    assura au capitaine, avec serment, qu’il n’en avait
    marqué qu’une. « Je ne sais, ajouta-t-il, qui peut avoir
    marqué les autres avec tant de ressemblance ; mais
    dans cette confusion, j’avoue que je ne peux
    distinguer laquelle est celle que j’ai marquée. »
    Le capitaine, qui vit son dessein avorté, se rendit
    à la grand-place, où il fit dire à ses gens, par le
    premier qu’il rencontra, qu’ils avaient perdu leur
    peine et fait un voyage inutile, et qu’ils n’avaient
    d’autre parti à prendre que de reprendre le chemin de
    leur retraite commune. Il en donna l’exemple, et ils le
    suivirent tous, dans le même ordre qu’ils étaient
    venus.
    Quand la troupe se fut rassemblée dans la forêt,
    le capitaine leur expliqua la raison pour laquelle il les
    avait fait revenir. Aussitôt le conducteur fut déclaré
     
    digne de mort tout d’une voix, et il s’y condamna lui-
    même, en reconnaissant qu’il aurait dû prendre
     
    mieux ses précautions ; et il présenta le cou avec
    fermeté à celui qui se présenta pour lui couper la tête.
     
    Cycle 3
    Lecture Ali Baba et les quarante voleurs CONTE Feuille n°5
     
    Comme il s’agissait, pour la conservation de la
    bande, de ne pas laisser sans vengeance le tort qui lui
    avait été fait, un autre voleur, qui se promit de mieux
    réussir que celui qui venait d’être châtié, se présenta
    et demanda en grâce d’être préféré. Il est écouté. Il
    marche : il corrompt Baba Moustafa, comme le
    premier l’avait corrompu, et Baba Moustafa lui fait
    connaître la maison d’Ali Baba, les yeux bandés. Il la
    marque de rouge dans un endroit moins apparent, en
    comptant que c’était un moyen sûr pour la distinguer
    d’avec celles qui étaient marquées de blanc.
    Mais peu de temps après Morgiane sortit de la
    maison, comme le jour précédent ; et, quand elle
    revint, la marque rouge n’échappa pas à ses yeux
    clairvoyants. Elle fit le même raisonnement qu’elle
    avait fait, et elle ne manqua pas de faire la même
    marque de crayon rouge aux autres portes voisines et
    aux mêmes endroits.
    Le voleur, à son retour vers sa troupe dans la
    forêt, ne manqua pas de faire valoir la précaution
    qu’il avait prise, comme infaillible, disait-il, pour ne
    pas confondre la maison d’Ali Baba avec les autres.
    Le capitaine et ses gens croient avec lui que la chose
    doit réussir. Ils se rendent à la ville dans le même
    ordre et avec les mêmes soins qu’auparavant, armés
    aussi de même, prêts à faire le coup qu’ils
    méditaient ; et le capitaine et le voleur, en arrivant,
    vont à la rue d’Ali Baba ; mais ils trouvent la même
    difficulté que la première fois. Le capitaine en est
    indigné, et le voleur dans une confusion aussi grande
    que celui qui l’avait précédé avec la même
    commission.
    Ainsi, le capitaine fut contraint de se retirer
    encore ce jour-là avec ses gens, aussi peu satisfait que
    le jour d’auparavant. Le voleur, comme auteur de la
    méprise, subit pareillement le châtiment auquel il
    s’était soumis volontairement.
    Le capitaine, qui vit sa troupe diminuée de deux
    braves sujets, craignit de la voir diminuer davantage
    s’il continuait à s’en rapporter à d’autres pour être
    informé au vrai de la maison d’Ali Baba. Leur
    exemple lui fit connaître qu’ils n’étaient propres tous
    qu’à des coups de main, et nullement à agir de tête
    dans les occasions. Il se chargea de la chose lui-même
    ; il vint à la ville et avec l’aide de Baba Moustafa, qui
    lui rendit le même service qu’aux deux députés de sa
    troupe, il ne s’amusa pas à faire aucune marque pour
    connaître la maison d’Ali Baba ; mais il l’examina si
    bien, non seulement en la considérant attentivement,
    mais même en passant et en repassant à diverses fois
     
    par-devant, qu’il n’était pas possible qu’il s’y méprît.
    Le capitaine des voleurs, satisfait de son voyage
    et instruit de ce qu’il avait souhaité, retourna à la
    forêt ; et quand il fut arrivé dans la grotte où sa
    troupe l’attendait : « Camarades, dit-il, rien enfin ne
    peut plus nous empêcher de prendre une pleine
    vengeance du dommage qui nous a été fait. Je
    connais avec certitude la maison du coupable sur qui
    elle doit tomber ; et, dans le chemin, j’ai songé au
    moyen de la lui faire sentir si adroitement, que
    personne ne pourra avoir connaissance du lieu de
    notre retraite non plus que de notre trésor ; car c’est
    le but que nous devons avoir dans notre entreprise ;
    autrement, au lieu de nous être utile, elle nous sera
    funeste. Pour parvenir à ce but, continua le capitaine,
    voici ce que j’ai imaginé. Quand je vous l’aurai
    exposé, si quelqu’un sait un expédient meilleur, il
    pourra le communiquer. »
    Alors, il leur expliqua de quelle manière il
    prétendait s’y comporter ; et comme ils lui eurent
    tous donné leur approbation, il les chargea, en se
    partageant dans les bourgs et dans les villages
    d’alentour et même dans les villes, d’acheter des
    mulets, jusqu’au nombre de dix- neuf, et trente-huit
    grands vases de cuir à transporter de l’huile, l’un
    plein et les autres vides.
    En deux ou trois jours de temps, les voleurs
    eurent fait tout cet amas. Comme les vases vides
    étaient un peu étroits par la bouche pour l’exécution
    de son dessein, le capitaine les fit un peu élargir ; et,
    après avoir fait entrer un de ses gens dans chacun,
    avec les armes qu’il avait jugées nécessaires, en
    laissant ouvert ce qu’il avait fait découdre, afin de
    leur laisser la respiration libre, il les ferma de manière
    qu’ils paraissaient pleins d’huile ; et, pour les mieux
    déguiser, il les frotta par le dehors d’huile, qu’il prit
    du vase qui en était plein.
    Les choses ainsi disposées, quand les mulets
    furent chargés des trente-sept voleurs, sans y
    comprendre le capitaine, chacun caché dans un des
    vases, et du vase qui était plein d’huile, leur capitaine,
    comme conducteur, prit le chemin de la ville, dans le
    temps qu’il avait résolu, et y arriva à la brune, environ
    une heure après le coucher du soleil, comme il se
    l’était proposé. Il y entra et il alla droit à la maison
    d’Ali Baba, dans le dessein de frapper à la porte et de
    demander à y passer la nuit avec ses mulets, sous le
    bon plaisir du maître. Il n’eut pas la peine de frapper
    : il trouva Ali Baba à la porte, qui prenait le frais
    après le souper. Il fit arrêter ses mulets ; et,
    s’adressant à Ali Baba : « Seigneur, dit-il, j’amène
    l’huile que vous voyez, de bien loin, pour la vendre
     
    demain au marché, et, à l’heure qu’il est, je ne sais où
    aller loger. Si cela ne vous incommode pas, faites-moi
    le plaisir de me recevoir chez vous pour y passer la
    nuit : je vous en aurai obligation.»
    Quoique Ali Baba eût vu dans la forêt celui qui
    lui parlait, et même entendu sa voix, comment eût-il
    pu le reconnaître pour le capitaine des quarante
    voleurs, sous le déguisement d’un marchand d’huile ?
    « Vous êtes le bienvenu, lui dit-il, entrez. » Et, en
    disant ces paroles, il lui fit place pour le laisser entrer
    avec ses mulets, comme il le fit.
    En même temps, Ali Baba appela un esclave qu’il
    avait et lui commanda, quand les mulets seraient
    déchargés, de les mettre non seulement à couvert
    dans l’écurie, mais même de leur donner du foin et
    de l’orge. Il prit aussi la peine d’entrer dans la cuisine
    et d’ordonner à Morgiane d’apprêter promptement à
    souper pour l’hôte qui venait d’arriver et de lui
    préparer un lit dans une chambre.
    Ali Baba fit plus pour faire à son hôte tout
    l’accueil possible, quand il vit que le capitaine des
    voleurs avait déchargé ses mulets, que les mulets
    avaient été menés dans l’écurie, comme il l’avait
    commandé, et qu’il cherchait une place pour passer la
    nuit à l’air, il alla le prendre pour le faire entrer dans
    la salle où il recevait son monde, en lui disant qu’il ne
    souffrirait pas qu’il couchât dans la cour. Le capitaine
    des voleurs s’en excusa fort, sous prétexte de ne
    vouloir pas être incommode, mais, dans le vrai, pour
    avoir lieu d’exécuter ce qu’il méditait avec plus de
    liberté ; et il ne céda aux honnêtetés d’Ali Baba
    qu’après de fortes instances.
    Ali Baba, non content de tenir compagnie à celui
    qui en voulait à sa vie, jusqu’à ce que Morgiane lui
    eût servi le souper, continua de l’entretenir de
    plusieurs choses qu’il crut pouvoir lui faire plaisir ; et
    il ne le quitta que quand il eut achevé le repas dont il
    l’avait régalé.
    « Je vous laisse le maître, lui dit-il : vous n’avez
    qu’à demander toutes les choses dont vous pouvez
    avoir besoin ; il n’y a rien chez moi qui ne soit à votre
    service. »
    Le capitaine des voleurs se leva en même temps
    qu’Ali Baba et l’accompagna jusqu’à la porte ; et,
    pendant qu’Ali Baba allait dans la cuisine pour parler
    à Morgiane, il entra dans la cour sous prétexte d’aller
    à l’écurie voir si rien ne manquait à ses mulets.
    Ali Baba, après avoir recommandé de nouveau à
    Morgiane de prendre grand soin de son hôte et de ne
    le laisser manquer de rien : « Morgiane, ajouta-t-il, je
    t’avertis que demain je vais au bain avant le jour ;
    prends soin que mon linge de bain soit prêt et de le
    donner à Abdalla (c’était le nom de son esclave), et
     
    fais-moi un bon bouillon, pour que je le prenne à
    mon retour. » Après lui avoir donné ces ordres, il se
    retira pour se coucher.
    Le capitaine des voleurs, cependant, à la sortie
    de l’écurie, alla donner à ses gens l’ordre de ce qu’ils
    devaient faire. En commençant depuis le premier
    vase jusqu’au dernier, il dit à chacun : « Quand je
    jetterai de petites pierres de la chambre où l’on me
    loge, ne manquez pas de vous faire ouverture, en
    fendant le vase, depuis le haut jusqu’en bas, avec le
    couteau dont vous êtes muni, et d’en sortir : aussitôt
    je serai à vous. »
    Le couteau dont il parlait était pointu et affilé à
    cet usage.
    Cela fait, il revint ; et, comme il se fut présenté à
    la porte de la cuisine, Morgiane prit de la lumière et
    elle le conduisit à la chambre qu’elle lui avait
    préparée, où elle le laissa, après lui avoir demandé s’il
    avait besoin de quelque autre chose. Pour ne pas
    donner de soupçon, il éteignit la lumière peu de
    temps après et il se coucha tout habillé, prêt à se
    lever dès qu’il aurait fait son premier somme.
    Morgiane n’oublia pas les ordre d’Ali Baba : elle
    prépare son linge de bain, elle en charge Abdalla, qui
     
    n’était pas encore allé se coucher, elle met le pot-au-
    feu pour le bouillon ; et, pendant qu’elle écume le
     
    pot, la lampe s’éteint. Il n’y avait plus d’huile dans la
    maison, et la chandelle y manquait aussi. Que faire ?
    Elle a besoin cependant de voir clair pour écumer
    son pot ; elle en témoigne sa peine à Abdalla.
    « Te voilà bien embarrassée, lui dit Abdalla. Va
    prendre de l’huile dans un des vases que voilà dans la
    cour. »
    Morgiane remercia Abdalla de l’avis ; et, pendant
    qu’il va se coucher près de la chambre d’Ali Baba,
    pour le suivre au bain, elle prend la cruche à l’huile et
    elle va dans la cour. Comme elle se fut rapprochée du
    premier vase qu’elle rencontra, le voleur qui était
    caché dedans demanda, en parlant bas : « Est-il
    temps ? »
    Quoique le voleur eût parlé bas, Morgiane
    néanmoins fut frappée de la voix d’autant plus
    facilement que le capitaine des voleurs, dès qu’il eut
    déchargé ses mulets, avait ouvert non seulement ce
    vase, mais même tous les autres, pour donner de l’air
    à ses gens, qui d’ailleurs y étaient fort mal à leur aise,
    sans y être cependant privés de la facilité de respirer.
    Toute autre esclave que Morgiane, aussi sur prise
    qu’elle le fut en trouvant un homme dans un vase, au
    lieu d’y trouver de l’huile qu’elle cherchait, eût fait un
    vacarme capable de causer de grands malheurs.
     
    Cycle 3
    Lecture Ali Baba et les quarante voleurs CONTE Feuille n°6
     
    Mais Morgiane était au-dessus de ses semblables : elle
    comprit en un instant l’importance de garder ce
    secret, le danger pressant où se trouvaient Ali Baba et
    sa famille, et où elle se trouvait elle-même, et la
    nécessité d’y apporter promptement le remède, sans
    faire d’éclat ; et, par sa perspicacité, elle en pénétra
    d’abord les moyens. Elle rentra donc en elle-même
    dans le moment ; et, sans faire paraître aucune
    émotion, en prenant la place du capitaine des voleurs,
    elle répondit à la demande et elle dit : « Pas encore,
    mais bientôt. » Elle s’approcha du vase qui suivait, et
    la même demande lui fut faite ; et ainsi de suite,
    jusqu’à ce qu’elle arrivât au dernier, qui était plein
    d’huile ; et, à la même demande, elle donna la même
    réponse.
    Morgiane connut par là que son maître Ali Baba,
    qui avait cru ne donner à loger chez lui qu’à un
    marchand d’huile, y avait donné entrée à trente-huit
    voleurs en y comprenant le faux marchand, leur
    capitaine. Elle remplit en diligence sa cruche d’huile,
    qu’elle prit du dernier vase ; elle revint dans sa
    cuisine, où, après avoir mis de l’huile dans la lampe et
    l’avoir rallumée, elle prend une grande chaudière, elle
    retourne à la cour, où elle l’emplit de l’huile du vase.
    Elle la rapporte, la met sur le feu et met dessous
    force bois, parce que, plus tôt l’huile bouillira, plus
    tôt elle aura exécuté ce qui doit contribuer au salut
    commun de la maison, qui ne demande pas de
    retardement. L’huile bout enfin ; elle prend la
    chaudière, et elle va verser dans chaque vase assez
    d’huile toute bouillante, depuis le premier jusqu’au
    dernier, pour étouffer les voleurs et leur ôter la vie,
    comme elle la leur ôta.
    Cette action, digne du courage de Morgiane,
    exécutée sans bruit, comme elle l’avait projeté, elle
    revient dans la cuisine, avec la chaudière vide, et
    ferme la porte. Elle éteint le grand feu qu’elle avait
    allumé et elle n’en laisse qu’autant qu’il en faut pour
    achever de faire cuire le pot du bouillon d’Ali Baba.
    Ensuite elle souffle la lampe et elle demeure dans un
    grand silence, résolue à ne pas se coucher qu’elle
    n’eût observé ce qui arriverait, par une fenêtre de la
    cuisine, qui donnait sur la cour, autant que l’obscurité
    de la nuit pouvait le permettre.
    Il n’y avait pas encore un quart d’heure que
    Morgiane attendait, quand le capitaine des voleurs
    s’éveilla. Il se lève ; il regarde par la fenêtre qu’il
    ouvre ; et, comme il n’aperçoit aucune lumière et
    qu’il voit régner un grand repos et un grand silence
    dans la maison, il donne le signal en jetant de petites
    pierres, dont plusieurs tombèrent sur les vases,
     
    comme il n’en douta point par le son qui lui en vint
    aux oreilles. Il écoute, et n’entend ni n’aperçoit rien
    qui lui fasse connaître que ses gens se mettent en
    mouvement. Il en est inquiet : il jette de petites
    pierres une seconde et une troisième fois. Elles
    tombent sur les vases, et cependant pas un des
    voleurs ne donne le moindre signe de vie, et il n’en
    peut comprendre la raison. Il descend dans la cour
    tout alarmé, avec le moins de bruit qu’il lui est
    possible ; il approche de même du premier vase et,
    quand il veut demander au voleur, qu’il croit vivant,
    s’il dort, il sent une odeur d’huile chaude et de brûlé
    qui s’exhale du vase, par où il connaît que son
    entreprise contre Ali Baba, pour lui ôter la vie et
    pour piller sa maison et pour emporter, s’il pouvait,
    l’or qu’il avait enlevé à sa communauté, était
    échouée. Il passe au vase qui suivait et à tous les
    autres les uns après les autres, et il trouve que ses
    gens avaient péri par le même sort ; et, par la
    diminution de l’huile dans le vase qu’il avait apporté
    plein, il connut la manière dont on s’y était pris pour
    le priver du secours qu’il en attendait. Au désespoir
    d’avoir manqué son coup, il enfila la porte du jardin
    d’Ali Baba, qui donnait dans la cour, et, de jardin en
    jardin, en passant par-dessus les murs, il se sauva.
    Quand Morgiane n’entendit plus de bruit et
    qu’elle ne vit pas revenir le capitaine des voleurs,
    après avoir attendu quelque temps, elle ne douta pas
    du parti qu’il avait pris, plutôt que de chercher à se
    sauver par la porte de la maison, qui était fermée à
    double tour. Satisfaite et dans une grande joie d’avoir
    si bien réussi à mettre toute la maison en sûreté, elle
    se coucha enfin et elle s’endormit.
    Ali Baba cependant sortit avant le jour et alla au
    bain, suivi de son esclave, sans rien savoir de
    l’événement étonnant qui était arrivé chez lui
    pendant qu’il dormait, au sujet duquel Morgiane
    n’avait pas jugé à propos de l’éveiller, avec d’autant
    plus de raison qu’elle n’avait pas de temps à perdre
    dans le temps du danger et qu’il était inutile de
    troubler son repos, après qu’elle l’eut détourné.
    Lorsqu’il revint des bains et qu’il rentra chez lui,
    le soleil était levé, Ali Baba fut si surpris de voir
    encore les vases d’huile dans leur place et que le
    marchand ne se fût pas rendu au marché avec ses
    mulets, qu’il en demanda la raison à Morgiane, qui lui
    était venue ouvrir et qui avait laissé toutes choses
    dans l’état où il les voyait, pour lui en donner le
    spectacle et lui expliquer plus sensiblement ce qu’elle
    avait fait pour sa conservation.
     
    « Mon bon maître, dit Morgiane en répondant à
    Ali Baba, Dieu vous conserve, vous et toute votre
    maison ! Vous apprendrez mieux ce que vous désirez
    savoir, quand vous aurez vu ce que j’ai à vous faire
    voir : prenez la peine de venir avec moi. »
    Ali Baba suivit Morgiane. Quand elle eut fermé la
    porte, elle le mena au premier vase : « Regardez dans
    le vase, lui dit-elle, et voyez s’il y a de l’huile. »
    Ali Baba regarda ; et, comme il eut vu un homme
    dans le vase, il se retira en arrière, tout effrayé, avec
    un grand cri.
    « Ne craignez rien, lui dit Morgiane, l’homme que
    vous voyez ne vous fera pas de mal ; il en a fait, mais
    il n’est plus en état d’en faire, ni à vous, ni à personne
    ; il n’a plus de vie.
    — Morgiane, s’écria Ali Baba, que veut dire ce
    que tu viens de me faire voir ? Explique-le- moi.
    — Je vous l’expliquerai, dit Morgiane ; mais
    modérez votre étonnement et n’éveillez pas la
    curiosité des voisins d’avoir connaissance d’une
    chose qu’il est très important que vous teniez cachée.
    Voyez auparavant tous les autres vases.»
    Ali Baba regarda dans les autres vases les uns
    après les autres, depuis le premier jusqu’au dernier,
    où il y avait de l’huile, dont il remarqua que l’huile
    était notablement diminuée ; et, quand il eut fait, il
    demeura comme immobile, tantôt en jetant les yeux
    sur les vases, tantôt en regardant Morgiane, sans dire
    mot, tant la surprise où il était était grande. À la fin,
    comme si la parole lui fût revenue : « Et le marchand,
    demanda-t-il, qu’est-il devenu ?
    — Le marchand, répondit Morgiane, est aussi peu
    marchand que je suis marchande. Je vous dirai qui il
    est et ce qu’il est devenu. Mais vous apprendrez toute
    l’histoire plus commodément dans votre chambre ;
    car il est pour le bien de votre santé, que vous
    preniez un bouillon après être sorti du bain. »
    Pendant qu’Ali Baba se rendit dans sa chambre,
    Morgiane alla à la cuisine prendre le bouillon ; elle le
    lui apporta ; et, avant de le prendre, Ali Baba lui dit :
    « Commence toujours à satisfaire l’impatience où je
    suis, et raconte-moi une histoire si étrange, avec
    toutes ses circonstances. »
    Morgiane, pour obéir à Ali Baba, lui dit :
    « Seigneur, hier au soir, quand vous vous fûtes retiré
    pour vous coucher, je préparai votre linge de bain,
    comme vous veniez de me le commander, et j’en
    chargeai Abdalla. Ensuite je mis le pot-au-feu pour le
    bouillon ; et, comme je l’écumais, la lampe, faute
    d’huile, s’éteignit tout à coup, et il n’y en avait pas
    une goutte dans la cruche. Je cherchai quelques bouts
    de chandelles, et je n’en trouvai pas un. Abdalla, qui
    me vit embarrassée, me fit souvenir des vases pleins
    d’huile qui étaient dans la cour, comme il n’en
    doutait pas, non plus que moi, et comme vous l’avez
    cru vous-même. Je pris la cruche et je courus au vase
     
    le plus voisin. Mais, comme je fus près du vase, il en
    sortit une voix qui me demanda : « Est-il temps ? » Je
    ne m’effrayai pas ; mais en comprenant sur-le-champ
    la malice du faux marchand, je répondis sans hésiter :
    « Pas encore, mais bientôt. » Je passai au vase qui
    suivait et une autre voix me fit la même demande, à
    laquelle je répondis de même. J’allai aux autres vases
    les uns après les autres : à pareille demande, pareille
    réponse, et je ne trouvai que dans le dernier vase de
    l’huile dont j’emplis la cruche. Quand j’eus considéré
    qu’il y avait trente-sept voleurs au milieu de votre
    cour, qui n’attendaient que le signal ou que le
    commandement de leur chef, que vous aviez pris
    pour un marchand, et à qui vous aviez fait un si
    grand accueil, au point de mettre toute la maison en
    combustion, je ne perdis pas de temps : je rapportai
    la cruche, j’allumai la lampe et, après avoir pris la
    chaudière la plus grande de la cuisine, j’allai l’emplir
    d’huile. Je la mis sur le feu ; et, quand elle fut bien
    bouillante, j’en allai verser dans chaque vase où
    étaient les voleurs, autant qu’il en fallut pour les
    empêcher tous d’exécuter le pernicieux dessein qui
    les avait amenés. La chose ainsi terminée de la
    manière que je l’avais méditée, je revins dans la
    cuisine, j’éteignis la lampe ; et, avant que je me
    couchasse, je me mis à examiner tranquillement, par
    la fenêtre, quel parti prendrait le faux marchand
    d’huile. Au bout de quelque temps, j’entendis que,
    pour signal, il jeta, de sa fenêtre, de petites pierres qui
    tombèrent sur les vases. Il en jeta une seconde et une
    troisième fois ; et, comme il n’aperçut ou n’entendit
    aucun mouvement, il descendit, et je le vis aller de
    vase en vase jusqu’au dernier ; après quoi l’obscurité
    de la nuit fit que je le perdis de vue. J’observai encore
    quelque temps ; et, comme je vis qu’il ne revenait
    pas, je ne doutai pas qu’il ne se fût sauvé par le
    jardin, désespéré d’avoir si mal réussi. Ainsi,
    persuadée que la maison était en sûreté, je me
    couchai. »
    En achevant, Morgiane ajouta : « Voilà quelle est
    l’histoire que vous m’avez demandée, et je suis
    convaincue que c’est la suite d’une observation que
    j’avais faite depuis deux ou trois jours, dont je n’avais
    pas cru devoir vous entretenir, qui est qu’une fois, en
    revenant de la ville, de bon matin, j’aperçus que la
    porte de la rue était marquée de blanc, et, le jour
    d’après, de rouge, après la marque blanche ; et que,
    chaque fois, sans savoir à quel dessein cela pouvait
    avoir été fait, j’avais marqué de même, et au même
     
    endroit, deux ou trois portes de nos voisins, au-
    dessus et au-dessous. Si vous joignez cela avec ce qui
     
    vient d’arriver, vous trouverez que le tout a été
    machiné par les voleurs de la forêt, dont, je ne sais
    pourquoi, la troupe est diminuée de deux. Quoi qu’il
    en soit, la voilà réduite à trois au plus.
     
    Cycle 3
    Lecture Ali Baba et les quarante voleurs CONTE Feuille n°7
     
    Cela fait voir qu’ils avaient juré votre perte et qu’il est
    bon que vous vous teniez sur vos gardes, tant qu’il
    sera certain qu’il en restera quelqu’un au monde.
    Quant à moi, je n’oublierai rien pour veiller à votre
    conservation, comme j’y suis obligée. »
    Quand Morgiane eut achevé, Ali Baba, pénétré
    de la grande obligation qu’il lui avait, lui dit : « Je ne
    mourrai pas que je ne t’aie récompensée comme tu le
    mérites. Je te dois la vie ; et, pour commencer à t’en
    donner une marque de reconnaissance, je te donne la
    liberté dès à présent, en attendant que j’y mette le
    comble de la manière que je me le propose. Je suis
    persuadé avec toi que les quarante voleurs m’ont
    dressé ces embûches. Dieu m’a délivré par ton
    moyen. J’espère qu’il continuera de me préserver de
    leur méchanceté et qu’en achevant de la détourner de
    dessus ma tête, il délivrera le monde de leur
    persécution et de leur engeance maudite. Ce que
    nous avons à faire, c’est d’enterrer incessamment les
    corps de cette peste du genre humain, avec un si
    grand secret que personne ne puisse soupçonner de
    leur destinée ; et c’est à quoi je vais travailler avec
    Abdalla. »
    Le jardin d’Ali Baba était d’une grande longueur,
    terminé par de grands arbres. Sans différer, il alla
    sous ces arbres avec son esclave creuser une fosse,
    longue et large à proportion des corps qu’ils avaient à
    y enterrer. Le terrain était aisé à remuer, et ils ne
    mirent pas longtemps à l’achever, ils tirèrent les
    corps hors des vases et ils mirent à part les armes
    dont les voleurs s’étaient munis. Ils transportèrent
    ces corps au bout du jardin et ils les arrangèrent dans
    la fosse : et, après les avoir couverts de la terre qu’ils
    en avaient tirée, ils dispersèrent ce qui en restait aux
    environs, de manière que le terrain parût égal comme
    auparavant. Ali Baba fit cacher soigneusement les
    vases à l’huile et les armes ; et, quant aux mulets,
    dont il n’avait pas besoin pour lors, il les envoya au
    marché à différentes fois, où il les fit vendre par son
    esclave.
    Pendant qu’Ali Baba prenait toutes ces mesures
    pour ôter à la connaissance du public par quel moyen
    il était devenu riche en peu de temps, le capitaine des
    quarante voleurs était retourné à la forêt, avec une
    mortification inconcevable ; et, dans l’agitation, ou
    plutôt dans la confusion où il était d’un succès si
    malheureux et si contraire à ce qu’il s’était promis, il
    était rentré dans la grotte, sans avoir pu s’arrêter à
    aucune résolution, dans le chemin, sur ce qu’il devait
    faire ou ne pas faire à Ali Baba.
     
    La solitude où il se trouva dans cette sombre
    demeure lui parut affreuse. « Braves gens, s’écria-t-il,
    compagnons de mes veilles, de mes courses et de
    mes travaux, où êtes-vous ? que puis-je faire sans
    vous ? Vous avais-je assemblés et choisis pour vous
    voir périr tous à la fois par une destinée si fatale et si
    indigne de votre courage ? Je vous regretterais moins
    si vous étiez morts le sabre à la main, en vaillants
    hommes. Quand aurai-je fait une autre troupe de
    gens de main comme vous ? Et, quand je le voudrais,
    pourrais-je l’entreprendre et ne pas exposer tant d’or,
    tant d’argent, tant de richesses à la proie de celui qui
    s’est déjà enrichi d’une partie ? Je ne puis et je ne
    dois y songer, qu’auparavant je ne lui aie ôté la vie.
    Ce que je n’ai pu faire avec un secours si puissant, je
    le ferai moi seul ; et, quand j’aurai pourvu de la sorte
    à ce que ce trésor ne soit plus exposé au pillage, je
    travaillerai à faire en sorte qu’il ne demeure ni sans
    successeurs ni sans maître après moi, qu’il se
    conserve et qu’il s’augmente dans toute la postérité. »
    Cette résolution prise, il ne fut pas embarrassé à
    chercher les moyens de l’exécuter ; et alors, plein
    d’espérance et l’esprit tranquille, il s’en dormit et
    passa la nuit assez paisiblement.
    Le lendemain, le capitaine des voleurs, éveillé de
    grand matin, comme il se l’était proposé, prit un
    habit fort propre, conformément au dessein qu’il
    avait médité, et il vint à la ville, où il prit un logement
    dans un khan ; et, comme il s’attendait que ce qui
    s’était passé chez Ali Baba pouvait avoir fait de
    l’éclat, il demanda au concierge, par manière
    d’entretien, s’il y avait quelque chose de nouveau
    dans la ville ; sur quoi le concierge parla de toute
    autre chose que de ce qui lui importait de savoir. Il
    jugea de là que la raison pourquoi Ali Baba gardait un
    si grand secret venait de ce qu’il ne voulait pas que la
    connaissance qu’il avait du trésor et du moyen d’y
    entrer fût divulguée, et de ce qu’il n’ignorait pas que
    c’était pour ce sujet qu’on en voulait à sa vie. Cela
    l’anima davantage à ne rien négliger pour se défaire
    de lui par la même voie du secret.
    Le capitaine des voleurs se pourvut d’un cheval,
    dont il se servit pour transporter à son logement
    plusieurs sortes de riches étoffes et de toiles fines, en
    faisant plusieurs voyages à la forêt, avec les
    précautions nécessaires pour cacher le lieu où il les
    allait prendre. Pour débiter ces marchandises, quand
    il en eut amassé ce qu’il avait jugé à propos, il
    chercha une boutique. Il en trouva une ; et, après
    l’avoir prise à louage du propriétaire, il la garnit et s’y
    établit. La boutique qui se trouva vis-à-vis de la
     
    sienne était celle qui avait appartenu à Cassim et qui
    était occupée par le fils d’Ali Baba, depuis peu de
    temps.
    Le capitaine des voleurs, qui avait pris le nom de
    Cogia Houssain, comme nouveau venu, ne manqua
    pas de faire civilité aux marchands ses voisins, selon
    la coutume. Mais, comme le fils d’Ali Baba était
    jeune, bien fait, qu’il ne manquait pas d’esprit et qu’il
    avait occasion plus souvent de lui parler et de
    s’entretenir avec lui qu’avec les autres, il eut bientôt
    fait amitié avec lui. Il s’attacha même à le cultiver
    plus fortement et plus assidûment, quand, trois ou
    quatre jours après son établissement, il eut reconnu
    Ali Baba, qui vint voir son fils, qui s’arrêta à
    s’entretenir avec lui, comme il avait coutume de le
    faire de temps en temps, et qu’il eut appris du fils,
    après qu’Ali Baba l’eut quitté, que c’était son père. Il
    augmenta ses empressements auprès de lui ; il le
    caressa, il lui fit de petits présents, il le régala même
    et lui donna plusieurs fois à manger.
    Le fils d’Ali Baba ne voulut pas avoir tant
    d’obligations à Cogia Houssain sans lui rendre la
    pareille. Mais il était logé étroitement et il n’avait pas
    la même commodité que lui pour régaler comme il le
    souhaitait. Il parla de son dessein à Ali Baba, son
    père, en lui faisant remarquer qu’il ne serait pas séant
    qu’il demeurât plus longtemps sans reconnaître les
    honnêtetés de Cogia Houssain.
    Ali Baba se chargea du régal avec plaisir.
    Mon fils, dit-il, il est demain vendredi comme
    c’est un jour que les gros marchands, comme Cogia
    Houssain et comme vous, tiennent leurs boutiques
    fermées, faites avec lui une partie de promenade pour
    l’après-dînée, et, en revenant, faites en sorte que vous
    le fassiez passer chez moi et que vous le fassiez
    entrer. Il sera mieux que la chose se fasse de la sorte
    que si vous l’invitiez dans les formes. Je vais
    ordonner à Morgiane de faire le souper et de le tenir
    prêt. »
    Le vendredi, le fils d’Ali Baba et Cogia Houssain
    se trouvèrent, l’après-dînée, au rendez-vous qu’ils
    s’étaient donné, et ils firent leur promenade. En
    revenant, comme le fils d’Ali Baba avait affecté de
    faire passer Cogia Houssain par la rue où demeurait
    son père, quand ils furent arrivés devant la porte de
    la maison, il l’arrêta, et, en frappant : « C’est, lui dit-il,
    la maison de mon père, lequel, sur le récit que je lui ai
    fait de l’amitié dont vous m’honorez, m’a chargé de
    lui procurer l’honneur de votre connaissance. Je vous
    prie d’ajouter ce plaisir à tous les autres dont je vous
    suis redevable. »
    Quoique Cogia Houssain fût arrivé au but qu’il
    s’était proposé, qui était d’avoir entrée chez Ali Baba
    et de lui ôter la vie, sans hasarder la sienne, en ne
    faisant pas d’éclat, il ne laissa pas néanmoins de
    s’excuser et de faire semblant de prendre congé du
     
    fils ; mais, comme l’esclave d’Ali Baba venait
    d’ouvrir, le fils le prit obligeamment par la main et,
    en entrant le premier, il le tira et le força, en quelque
    manière, d’entrer comme malgré lui.
    Ali Baba reçut Cogia Houssain avec un visage
    ouvert et avec le bon accueil qu’il pouvait souhaiter.
    Il le remercia des bontés qu’il avait pour son fils. «
     
    L’obligation qu’il vous en a et que je vous en ai moi-
    même, ajouta-t-il, est d’autant plus grande que c’est
     
    un jeune homme qui n’a pas encore l’usage du
    monde, et que vous ne dédaignez pas de contribuer à
    le former. »
    Cogia Houssain rendit compliment pour
    compliment à Ali Baba, en lui assurant que, si son fils
    n’avait pas encore acquis l’expérience de certains
    vieillards, il avait un bon sens qui lui tenait lieu de
    l’expérience d’une infinité d’autres.
    Après un entretien de peu de durée sur d’autres
    sujets indifférents, Cogia Houssain voulut prendre
    congé. Ali Baba l’arrêta.
    « Seigneur, dit-il, où voulez-vous aller ? Je vous
    prie de me faire l’honneur de souper avec moi. Le
     
    repas que je veux vous donner est beaucoup au-
    dessous de ce que vous méritez ; mais, tel qu’il est,
     
    j’espère que vous l’agréerez d’aussi bon cœur que j’ai
    l’intention de vous le donner.
    — Seigneur Ali Baba, reprit Cogia Houssain, je
    suis très persuadé de votre bon cœur ; et, si je vous
    demande en grâce de ne pas trouver mauvais que je
    me retire sans accepter l’offre obligeante que vous
    me faites, je vous supplie de croire que je ne le fais ni
    par mépris ni par incivilité, mais parce que j’en ai une
    raison que vous approuveriez si elle vous était
    connue.
    — Et quelle peut être cette raison, seigneur ?
    reprit Ali Baba. Peut-on vous la demander ?
    — Je puis la dire, répliqua Cogia Houssain : c’est
    que je ne mange ni viande, ni ragoût où il y ait du sel
    ; jugez vous-même de la contenance que je ferais à
    votre table.
    — Si vous n’avez que cette raison, insista Ali
    Baba, elle ne doit pas me priver de l’honneur de vous
    posséder à souper, à moins que vous ne le vouliez
    autrement. Premièrement, il n’y a pas de sel dans le
    pain que l’on mange chez moi : et, quant à la viande
    et au ragoût, je vous promets qu’il n’y en aura pas
    dans ce qui sera servi devant vous ; je vais y donner
    ordre. Ainsi faites-moi grâce de demeurer, je reviens
    à vous dans un moment. »
    Ali Baba alla à la cuisine et il ordonna à
    Morgiane de ne pas mettre de sel sur la viande qu’elle
    avait à servir et de préparer promptement deux ou
    trois ragoûts, entre ceux qu’il lui avait commandés,
    où il n’y eût pas de sel.
     
    Cycle 3
    Lecture Ali Baba et les quarante voleurs CONTE Feuille n°8
     
    Morgiane, qui était prête à servir, ne pût
    s’empêcher de témoigner son mécontentement sur ce
    nouvel ordre et de s’en expliquer à Ali Baba. « Qui
    est donc, dit-elle, cet homme si difficile, qui ne
    mange pas de sel ? Votre souper ne sera plus bon à
    manger, si je le sers plus tard.
    — Ne te fâche pas, Morgiane, reprit Ali Baba c’est
    un honnête homme. Fais ce que je te dis.»
    Morgiane obéit, mais à contrecoeur. Elle eut la
    curiosité de connaître cet homme qui ne mangeait
    pas de sel. Quand elle eut achevé et qu’Abdalla eut
    préparé la table, elle l’aida à porter les plats. En
    regardant Cogia Houssain, elle le reconnut d’abord
    pour le capitaine des voleurs, malgré son
    déguisement ; et, en l’examinant avec attention, elle
    aperçut qu’il avait un poignard caché sous son habit.
    « Je ne m’étonne plus, dit-elle en elle-même, que le
    scélérat ne veuille pas manger de sel avec mon
    maître ; c’est son plus fier ennemi, il veut l’assassiner
    mais je l’en empêcherai. »
    Quand Morgiane eut achevé de servir ou de faire
    servir par Abdalla, elle prit le temps pendant que l’on
    soupait et fit les préparatifs nécessaires pour
    l’exécution d’un coup des plus hardis ; et elle venait
    d’achever, lorsque Abdalla vint l’avertir qu’il était
    temps de servir le fruit. Elle porta le fruit ; et, dès
    qu’Abdalla eut levé ce qui était sur la table, elle le
    servit, ensuite elle posa près d’Ali Baba une petite
    table sur laquelle elle mit le vin avec trois tasses ; et,
    en sortant, elle emmena Abdalla avec elle, comme
    pour aller souper ensemble et donner à Ali Baba,
    selon la coutume, la liberté de s’entretenir et de se
    réjouir agréablement avec son hôte et de le faire bien
    boire.
    Alors, le faux Cogia Houssain, ou plutôt le
    capitaine des quarante voleurs, crut que l’occasion
    favorable pour ôter la vie à Ali Baba était venue. « Je
    vais, dit-il en lui-même, faire enivrer le père et le fils ;
    et le fils, à qui je veux bien donner la vie, ne
    m’empêchera pas d’enfoncer le poignard dans le
    cœur du père ; et je me sauverai par le jardin, comme
    je l’ai déjà fait, pendant que la cuisinière et l’esclave
    n’auront pas encore achevé de souper ou seront
    endormis dans la cuisine. »
    Au lieu de souper, Morgiane, qui avait pénétré
    dans l’intention du faux Cogia Houssain, ne lui
    donna pas le temps de venir à l’exécution de sa
    méchanceté. Elle s’habilla d’un habit de danseuse
    fort propre, prit une coiffure convenable et se ceignit
    d’une ceinture d’argent doré, où elle attacha un
    poignard dont la gaine et le manche étaient de même
     
    métal, et, avec cela, elle appliqua un fort beau masque
    sur son visage. Quand elle se fut déguisée de la sorte,
    elle dit à Abdalla : « Abdalla, prends ton tambour de
    basque et allons donner, à l’hôte de notre maître et
    ami de son fils, le divertissement que nous lui
    donnons quelquefois. »
    Abdalla prend le tambour de basque ; il
    commence à en jouer, en marchant devant Morgiane,
    et il entre dans la salle. Morgiane, en entrant après lui,
    fait une profonde révérence, d’un air délibéré et à se
    faire regarder, comme en demandant la permission
    de faire voir ce qu’elle sait faire.
    Comme Abdalla vit qu’Ali Baba voulait parler, il
    cessa de toucher le tambour de basque.
    « Entre, Morgiane, entre, dit Ali Baba : Cogia
    Houssain jugera de quoi tu es capable et il nous dira
    ce qu’il en pensera. Au moins, seigneur, dit-il à Cogia
    Houssain en se tournant de son côté, ne croyez pas
    que je me mette en dépense pour vous donner ce
    divertissement. Je le trouve chez moi, et vous voyez
    que c’est mon esclave et ma cuisinière et dépensière
    en même temps qui me le donnent. J’espère que vous
    ne le trouverez pas désagréable. »
    Cogia Houssain ne s’attendait pas qu’Ali Baba
    dût ajouter ce divertissement au souper qu’il lui
    donnait. Cela lui fit craindre de ne pouvoir profiter
    de l’occasion qu’il croyait avoir trouvée. Au cas que
    cela arrivât, il se consola par l’espérance de la
    retrouver en continuant de ménager l’amitié du père
    et du fils. Ainsi, quoi qu’il eût mieux aimé qu’Ali
    Baba eût bien voulu ne pas le lui donner, il fit
    semblant néanmoins de lui en avoir obligation, et il
    eut la complaisance de lui témoigner que ce qui lui
    faisait plaisir ne pourrait pas manquer de lui en faire
    aussi.
    Quand Abdalla vit qu’Ali Baba et Cogia
    Houssain avaient cessé de parler, il recommença à
    toucher son tambour de basque et l’accompagna de
    sa voix sur un air à danser ; et Morgiane, qui ne le
    cédait à aucune danseuse de profession, dansa d’une
    manière à se faire admirer, même de toute autre
    compagnie que celle à laquelle elle donnait ce
    spectacle, dont il n’y avait peut-être que le faux Cogia
    Houssain qui y donnât peu d’attention.
    Après avoir dansé plusieurs danses avec le même
    agrément et de la même force, elle tira enfin le
    poignard ; et, en le tenant à la main, elle en dansa une
    dans laquelle elle se surpassa par les figures
    différentes, par les mouvements légers, par les sauts
    surprenants et par les efforts merveilleux dont elle les
    accompagna, tantôt en présentant le poignard en
    avant, comme pour frapper, tantôt en faisant
     
    semblant de s’en frapper elle-même dans le sein.
    Comme hors d’haleine enfin, elle arracha le
    tambour de basque des mains d’Abdalla, de la main
    gauche, et, en tenant le poignard de la droite, elle alla
    présenter le tambour de basque par le creux à Ali
    Baba, à l’imitation des danseurs et des danseuses de
    profession, qui en usent ainsi pour solliciter la
    libéralité de leurs spectateurs.
    Ali Baba jeta une pièce d’or dans le tambour de
    basque de Morgiane, Morgiane s’adressa ensuite au
    fils d’Ali Baba, qui suivit l’exemple de son père.
    Cogia Houssain, qui vit qu’elle allait venir aussi à lui,
    avait déjà tiré la bourse de son sein, pour lui faire son
    présent, et il y mettait la main, dans le moment que
    Morgiane, avec un courage digne de la fermeté et de
    la résolution qu’elle avait montrées jusqu’alors, lui
    enfonça le poignard au milieu du cœur, si avant
    qu’elle ne le retira qu’après lui avoir ôté la vie.
    Ali Baba et son fils, épouvantés de cette action,
    poussèrent un grand cri : « Ah ! malheureuse, s’écria
    Ali Baba, qu’as-tu fait ? est-ce pour nous perdre, moi
    et ma famille ?
    — Ce n’est pas pour vous perdre, répondit
    Morgiane : je l’ai fait pour votre conservation. »
    Alors, en ouvrant la robe de Cogia Houssain et
    en montrant à Ali Baba le poignard dont il était
    armé : «Voyez, dit-elle, à quel fier ennemi vous aviez
    affaire, et regardez-le bien au visage : vous y
    reconnaîtrez le faux marchand d’huile et le capitaine
    des quarante voleurs. Ne considérez-vous pas aussi
    qu’il n’a pas voulu manger de sel avec vous ? en
    voulez-vous davantage pour vous persuader de son
    dessein pernicieux ? Avant que je l’eusse vu, le
    soupçon m’en était venu, du moment que vous
    m’aviez fait connaître que vous aviez un tel convive.
    Je l’ai vu, et vous voyez que mon soupçon n’était pas
    mal fondé. »
    Ali Baba, qui connut la nouvelle obligation qu’il
    avait à Morgiane de lui avoir conservé la vie une
    seconde fois, l’embrassa. « Morgiane, dit-il, je t’ai
    donné la liberté, et alors je t’ai promis que ma
    reconnaissance n’en demeurerait pas là et que bientôt
    j’y mettrais le comble. Ce temps est venu et je te fais
    ma belle-fille. » Et, en s’adressant à son fils : « Mon
    fils, ajouta Ali Baba, je vous crois assez bon fils pour
    ne pas trouver étrange que je vous donne Morgiane
    pour femme sans vous consulter. Vous ne lui avez
    pas moins d’obligation que moi. Vous croyez que
    Cogia Houssain n’avait recherché votre amitié que
    dans le dessein de mieux réussir à m’arracher la vie
    par sa trahison ; et, s’il y eût réussi, vous ne devez pas
    douter qu’il ne vous eût sacrifié aussi à sa vengeance.
    Considérez de plus qu’en épousant Morgiane, vous
    épousez le soutien de ma famille, tant que je vivrai, et
    l’appui de la vôtre jusqu’à la fin de vos jours. »
    Le fils, bien loin de témoigner aucun
    mécontentement, marqua qu’il consentait à ce
    mariage, non seulement parce qu’il ne voulait pas
     
    désobéir à son père, mais même parce qu’il y était
    porté par sa propre inclination.
    On songea ensuite, dans la maison d’Ali Baba, à
    enterrer le corps du capitaine auprès de ceux des
    trente-sept voleurs ; et cela se fit si secrètement,
    qu’on n’en eut connaissance qu’après de longues
    années, lorsque personne ne se trouvait plus intéressé
    dans la publication de cette histoire mémorable.
    Peu de jours après, Ali Baba célébra les noces de
    son fils et de Morgiane avec grande solennité et par
    un festin somptueux, accompagné de danses, de
    spectacles et des divertissements accoutumés ; et il
    eut la satisfaction de voir que ses amis et voisins,
    qu’il avait invités sans avoir connaissance des vrais
    motifs du mariage, mais qui d’ailleurs n’ignoraient
    pas les belles et bonnes qualités de Morgiane, le
    louèrent hautement de sa générosité et de son bon
    cœur.
    Après le mariage, Ali Baba, qui s’était abstenu de
    retourner à la grotte depuis qu’il en avait tiré et
    rapporté le corps de son frère Cassim sur un de ses
    trois ânes, avec l’or dont il les avait chargés, par la
    crainte d’y trouver les voleurs ou d’y être surpris, s’en
    abstint encore après la mort des trente-huit voleurs,
    en y comprenant leur capitaine, parce qu’il supposa
    que les deux autres, dont le destin ne lui était pas
    connu, étaient encore vivants.
    Mais au bout d’un an, comme il eut vu qu’il ne
    s’était fait aucune entreprise pour l’inquiéter, la
    curiosité le prit d’y faire un voyage, en prenant les
    précautions nécessaires pour sa sûreté. Il monta à
    cheval ; et, quand il fut arrivé près de la grotte, il prit
    un bon augure de ce qu’il n’aperçut aucun vestige ni
    d’hommes ni de chevaux. Il mit pied à terre ; il
    attacha son cheval, et, en se présentant devant la
    porte, il prononça ces paroles : « Sésame, ouvre-toi »,
    qu’il n’avait pas oubliées. La porte s’ouvrit ; il entra,
    et l’état où il trouva toutes choses dans la grotte lui
    fit juger que personne n’y était entré depuis environ
    le temps que le faux Cogia Houssain était venu louer
    boutique dans la ville, et ainsi que la troupe des
    quarante voleurs était entièrement dissipée et
    exterminée depuis ce temps-là. Il ne douta plus qu’il
    ne fût le seul au monde qui eût le secret de faire
    ouvrir la grotte et que le trésor qu’elle enfermait était
    à sa disposition. Il s’était muni d’une valise ; il la
    remplit d’autant d’or que son cheval en put porter, et
    il revint à la ville.
    Depuis ce temps-là, Ali Baba, son fils, qu’il mena
    à la grotte et à qui il enseigna le secret pour y entrer,
    et, après eux, leur postérité, à laquelle ils firent passer
    le même secret, en profitant de leur fortune avec
    modération, vécurent dans une grande splendeur et
    honorés des premières dignités de la ville.
     
     
    voila j'ai finis maintenant c sur j'ai un 20 / 20 wouesh
     
     
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    Rosa (5/10)
    Adoptiere einen Frettchen Violine grauAdoptiere einen Frettchen Violine grauAdoptiere einen Frettchen Violine grauAdoptiere einen Frettchen Violine grau
    Taylan (6/10)
    Adoptiere einen Frettchen StammesAdoptiere einen Frettchen StammesAdoptiere einen Frettchen StammesAdoptiere einen Frettchen Stammes
    I (7/10)
    Adoptiere einen Maus AlbinoAdoptiere einen Maus AlbinoAdoptiere einen Maus AlbinoAdoptiere einen Maus AlbinoAdoptiere einen Maus AlbinoAdoptiere einen Maus Albino
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    Onuray (8/10)
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    Ali (9/10)
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    Ivann (10/10)
    Babyflasche
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    Attaque des Titans (1/4)
    Rosa GitterGrünes grasBac val valentin
    Babyflasche
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    èr (2/4)
    Beiges TablettErdeRosa Gitter
    Tischdecke decke~~POS=HEADCOMPKleines Gänseblümchen
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    BabyflascheBankPapagei
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    Stehleuchte
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    KorbweideBrot PriseRegenbogentapete
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    Krepp
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    BabyflascheLiegestuhlRonard MTB
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